Le triomphe de la mort, c'est la mort. Elle traverse l'espace à cheval, sans oriflamme, nue, assise jambes pendantes. Cheval-banc de profil, la mort de face. Cheval plat, mort aplatie, accablée tandis que ses acolytes, sûrs d'avoir le dernier mot s'occupent à neutraliser tout ce qui bouge. Le paysage rougeoie. Il ne deviendra ni blanc, ni noir, ni gris, plus mort que le paysage gris de Goma, sous la lave figée.
Je ne quitte pas l'atelier le coeur léger. Il me faut de longues présences, de temps de me confronter aux présences murales.
Hier j'ai raté un rendez-vous dans Paris et visité quelques lieux où la mort l'emporte. Pas la mort, l'absence de vie, menace de merde, étron pesant, impeccable, comme si la modernité se réduisait à un savoir-faire usiné ou électronique. A l'entrée de ces lieux quelques êtres occupés à leurs écrans, sapés personnel navigant sans l'humanité des hôtesses de l'air et la courtoisie des stewards. A voir êtres et produits je me demande s'il n'y a pas quelque risque à demeurer humain. Il y a.
Des Afghans vivent en troglodytes dans les falaises où persistent les hautes niches des Bouddhas détruits. A Goma des hommes reviennent accompagnés de femmes drapées. Une armée de pelleteurs repousse les laves durcies. Ici des artistes produisent comme si le faux-pas compromettait la création. L'enfer plus que de démons de chapiteaux serait peuplé d'objets parfaits, commentés par des experts bien mis.
Pierre Matthey
Choisy le Roi, 24-01-2002
